En terminant le livre d’Erik Orsenna, sémillant académicien à moustache, bon vivant, pas avare de mots rares et d’esprit, on réalise à quel point l’écriture est une thérapie pour ceux et celles qui cherchent à retrouver la parole. Parole perdue, envie de dire sans trouver les phrases, ennui de lire pour débroussailler les pages… Comment faire pour redonner du goût aux mots les plus simples et éclairer à nouveau des histoires éternelles ?
Ah ! l’affreuse problématique de l’écrivain qui questionne son art. Le Verbe fait-il jaillir l’idée ou bien est-ce l’inverse ?
Dans cette sympathique fable - qui ne révolutionnera pas l’histoire de la littérature, le personnage principal, jeunette de 14 ans, se trouve jetée avec son grand dadais de frère dans une île paradisiaque où les mots sont animés d’une volonté propre. Des mots vivants, oui, vous avez bien lu (avec des jambes, des cheveux, des problèmes de santé, tout ça…). Un guide aux allures d’Henri Salvador fait visiter les lieux à la gracieuse, étonnée, muette et avide de retrouver l’usage du Verbe.
On voit venir la démonstration pesante, mais qui illumine la fonction des défricheurs de langue : les mots ont le droit au respect, il ne faut point trop en user, et à chaque mot sa particularité. Ainsi les verbes sont des gros travailleurs qui changent d’aspect plusieurs fois par jour ; les adjectifs passent à la mairie pour se marier au nom, lui conférant une aura différente à chaque fois (la jolie maison n’est pas la maison hantée) ; les pronoms sont agressifs et sournois et ils cherchent délibérément des noises aux noms qu’il veulent substituer. Passons sur les adverbes solitaires, les articles travestis et les interjections bien sonnantes. Eh ! Joli capharnaüm, en effet !
Vous l’aurez compris, la grammaire est l’art d’accommoder les mots, art culinaire s’il en est, grâce à une meilleure connaissance des ingrédients qui composent notre langue. Une grammaire décomplexée, abordable et utile : un rêve pour les élèves qui lui cherchent un sens et qui veulent cuisiner de bons petits plats d’écrits pas crus… A vos fourchettes, donc.
Tiens, bizarre, j’ai encore faim, moi !