JB Vatelot

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6 juin 1944 - 6 juin 2004

Our dream was liberty

Un récit de Julien SANCHEZ

lundi 7 juin 2004

Deuxième partie du récit de guerre du soldat Mellet. Une aventure palpitante à suivre...

DEUXIEME PARTIE :"Day of days"

Je venais d’atterrir dans un champ à la lisière d’une forêt. Les silhouettes des arbres se dessinaient dans l’obscurité. Mon premier réflexe fut de me débarrasser de mon harnais et j’ai couru sans plus attendre jusque dans le sous-bois où je me suis abrité dans un fossé. Je pensais que ce serait le dernier endroit que les Allemands fouillerait pour trouver des paras et puis à ce moment précis, ils étaient bien trop occupés à abattre des avions. J’ai donc profité de cette cache pour faire l’inventaire du matériel qui me restait : mon leg bag s’était détaché de ma jambe et avait emporté avec lui ma gaine à armement. Le gros de mon équipement était donc perdu. Il me restait des barres chocolatées, mes rations, ma baïonnette, mon arme de poing avec ses munitions qui, par chance, ne s’étaient pas détachées. Je tenais ma boussole dans la main. Et je partais affronter l’armée allemande ! Courage ou inconscience ? La suite des événements devait répondre à cette troublante question...

escorte

J’ai mangé une de mes barres chocolatées et j’ai réfléchi à ce que je devais faire à présent, quand soudain, des bruits de pas troublèrent le silence de la nuit. J’ai aussitôt dégainé mon grillon ( ce petit jouet produisait un bruit similaire à celui de l’insecte quand on appuie dessus, un « clic » devait avoir pour réponse deux « clics », les paras américains devaient ainsi se reconnaître dans la nuit noire) et appuyé sur la lamelle souple. L’inconnu apparut, les mains en l’air, et me lança : « Bon Dieu, ne tire pas ! ». C’était Howell. Il venait d’atterrir dans la forêt non loin de ma position. Ma tension a ensuite descendu progressivement. Nous nous étions mis en route vers l’Est, vers les plages, par la forêt. Simple question de prudence. En chemin, nous avons retrouvé Robbins, pendu à un pommier, et le lieutenant Lavers, notre chef de section, criblé de balles. Pauvre gars, il n’avait pas mérité une mort pareille. Sans doute des projectiles de DCA, vu la taille des plaies. Des tirs d’arme légères s’étaient alors fait entendre. « Au moins, y a quelqu’un qui tire sur quelqu’un, me dit Howell.

" Allons voir d’où ça vient. "

Groupe de combat

Nous nous sommes alors rendus au pas de charge à la source des tirs, située dans les marais, mais le temps que l’on y arrive, tout était déjà fini. Des corps de soldats américains et allemands gisaient partout au sol avec une multitude d’équipements. Une carcasse de C-47 brûlait à proximité de ce carnage. Il y avait du feu et des arbres déchiquetés partout. Une patrouille du 507° RIP de la 82°Airborne est alors venue nous trouver et nous a emmenés derrière l’avion où une équipe de transmission était déjà installée. La chaleur de cet endroit était insupportable. Le sergent Jackson, qui commandait le groupe de mortier de ma compagnie, était lui aussi présent. Il semblait heureux de nous voir, il avait tout de même un air de circonstances, après ce qu’il venait de vivre.

« On est mal barrés Mellet, on a sauté à environ neuf kilomètres de notre objectif, me lança-t-il.

" - Où est-ce qu’on est alors, sergent ?

" - Dans les marais qui bordent le village de Graignes.

" - Graignes ?!

" - Oui, au Sud-ouest de Carentan.

" - Et où est le reste de la compagnie ?

" - Eparpillée dans tout le Cotentin. Pour ce qui est de mon groupe de mortier, il est un peu partout maintenant. Un obus est tombé tout droit dans leur position. Les Allemands, alors qu’ils montaient vers les plages, sont tombés sur nous. Et là, ça a été le lâcher de volailles. Ils nous ont tous massacrés. Il ne reste plus que nous. Il va falloir essayer de rejoindre Graignes au plus vite car les boches ne vont pas tarder à rappliquer. »

Groupe de combat 2

Je me suis senti mal au début à la vue de tous ces pauvres gars. Savoir que tous ces types avaient une famille, des amis. Jamais des mots ne pourront décrire ces horreurs. Des cratères, les marais colorés en rouge par le sang, un type dont les entrailles sont séparées du corps, un autre qui est en train de mourir, qui hurle de désespoir avec son meilleur ami qui tente de le réconforter. La simple vue de ces cadavres me mettait mal à l’aise. Jamais je ne m’habituerais à la mort, jamais. C’est sur ces sentiments troublés que nous sommes mis en route. J’ai pu en même temps compléter mon équipement grâce tout le matériel qu’il y avait dans les parages.

A l’aube et sans péripéties, nous avons atteint Graignes. Les Allemands venaient d’y être chassés et ils se repliaient en masse. Comme nous n’étions pas loin, nous avons arrosé leur repli. Ils faisaient des cibles faciles en courant à découvert. Toujours est-il que c’est au moment où nous avions lancé nos grenades que les Allemands nous repérèrent. J’épaulai ma Thompson et j’ouvris le feu. Mes camarades firent de même. Une puissance de feu dévastatrice est venue s’abattre sur les boches, mais leur soudaine riposte fit tomber Jackson. Une balle est venue lui traverser le cou, il suffoqua une dernière fois et s’écroula la tête la première. Comme ça, en un claquement d’index. Les Allemands à leur tour tombèrent les uns après les autres, comme des arbres abattus par des bûcherons expérimentés. L’affrontement ne dura que quelques secondes, mais il eut des conséquences graves chez l’ennemi : une soixantaine de blessés et une vingtaine de morts. Howell s’est alors précipité sur Jackson dès que la fusillade a cessé pour lui prodiguer des soins d’urgence, mais la balle l’avait tué sur le coup. Il n’était qu’une victime de plus d’une guerre qui était loin d’être terminée.

rencontre avec les habitants

Nous avons alors fait notre entrée dans le village, délaissant tous les cadavres, y compris les nôtres. Un Allemand est sorti par une brèche dans une maison juste à ma gauche. Il tenait son fusil par le canon et il était sonné, sans doute à cause des tirs de mortiers. Il tenait à peine sur ses jambes. Il me fixa droit dans les yeux pendant quelques secondes, puis j’ai dégainé mon Colt et je lui ai logé une balle dans la tête. Sans remord, comme on écrase un cafard. Je n’allais pas faire de pitié, surtout après ce que j’avais vu et ressenti dans les marais. Le major Pearson, qui commandait le troisième bataillon du 507° RIP est venu nous rejoindre à la seconde où ses troupes ont fait leur jonction avec nous. C’était le plus haut gradé de la zone. Il nous a aussitôt dit :

« Soldats, il n’y a pas de quoi s’inquiéter, la situation est normale : nous sommes encerclés. »

A SUIVRE...

Mellet