JB Vatelot

Accueil > Parutions de l’ancien site > COLLEGE > Archives > Embrouille mortelle

Nouvelle policière

Embrouille mortelle

mardi 1er avril 2003

Dans le cadre des itinéraires de découvertes, les élèves de 5ème devaient réaliser une nouvelle policière au Moyen-Age.

n l’an de grâce 1357, au couvent des Cordeliers, la journée avait été très calme. Tout le monde était allé à la rencontre de l’évêque qui s’était rendu à Toul pour voir si les travaux de la cathédrale avançaient. Le cloître était presque terminé et la nef était en partie construite. Certains piliers étaient déjà dressés. Geneviève n’était pas allée acclamer l’évêque car il y avait encore quelques malades à soigner. Elle chercha la sœur supérieure du regard mais elle ne la trouva pas. Soudain, elle se souvint qu’elle était partie prier à l’abbaye de Saint Mansuy, en l’honneur du roi, Jean le Bon, vaincu par le Prince Noir et mort dans les prisons de Londres il y avait de cela un an.

Elle sourit en se rappelant le moment où sœur Bellevale l’avait recueillie. Elle se rappela aussi lorsque son père, un jeune pèlerin, avait succombé à l’épidémie de peste qui avait ravagé son village. Elle et sa mère avaient survécu. Mais cette dernière, ne pouvant plus l’élever, l’avait déposée devant le couvent des Cordeliers. Il faisait presque nuit lorsqu’elle se rendit aux vêpres. Elle courut pour ne pas arriver en retard. A son arrivée, la sœur supérieure n’était pas là mais elle ne s’inquiéta pas. Elle mangea son repas puis se rendit aux deux dernières messes de la nuit : les complies et les matines. Puis, elle s’endormit.

Le lendemain, Geneviève vint aux laudes et aux primes. La sœur supérieure n’était toujours pas là. Mais à la sortie de la chapelle, elle entendit des lamentations dans la ruelle. On l’informa qu’un jeune garçon avait été assassiné près des remparts à côté de la rue des Moutons.
« - Qui est-ce ? demanda-t-elle épouvantée en pensant qu’elle n’avait pas vu la sœur supérieure depuis pas mal de temps .
- C’est le jeune Clément, le fils adoptif de Gauthier le Tanneur, lui répondit un homme en noir.
- Le fils adoptif ? Je ne savais pas qu’il avait adopté un enfant ? interrogea-t-elle.
- Adopté ? Disons plutôt qu’il l’a trouvé et qu’il a été obligé de le garder. Il n’a pas eu le choix », reprit l’étrange homme d’une voie ironique.
Sur ce, il se retourna et disparut dans la foule.
« Curieux personnage » pensa Geneviève.

Puis, elle courut vers les remparts à l’endroit qu’on lui avait indiqué. Elle essaya de se frayer un passage entre la foule dense. C’était jour de marché et il y avait beaucoup de monde et les gens étaient très bruyants. Mais malgré tout, on entendait nettement des pleurs. La jeune fille (car Geneviève n’avait que 17 ou 18 ans) se retrouva dans la rue des Tanneurs. Elle bifurqua à un croisement et se retrouva dans la rue des Moutons. Un attroupement s’était formé devant un corps, allongé sur le pavé froid. Elle s’approcha et ne put s’empêcher de pousser un cri d’horreur.
Le jeune garçon gisait sur le sol avec… sa tête qu’il tenait entre ses mains !!! Il avait des brûlures un peu partout sur le corps et des entailles à certains endroits. Il était jeune (pas plus de 15 ans) et portait des vêtements usés et sales. Il avait le teint clair et des cheveux blonds, presque blancs. Elle fut frappé par son visage qui lui rappelait une personne mais elle fut incapable de dire de qui il s’agissait.

Geneviève s’approcha d’un vieil homme en larmes. Il criait et tapait du pied de désespoir.
« - Etes- vous Gauthier le père de Clément ? murmura-t-elle à son oreille.
- Oui, dit-il en pleurant, et je l’aimais ! Oh ! Pour ça oui, je l’aimais, je ne comprends pas. Que s’est- il passé ? Et toi, qui es-tu ?
- Je m’appelle Geneviève et je suis sœur au couvent des Cordeliers. Que sais-tu sur ton fils ?
- Pourquoi te ferais-je confiance ! » dit-il d’un ton bourru.
Et il partit en courant et claqua la porte de sa maison qui se situait à l’angle de la rue.

Puis, les gens se dispersèrent en emportant le corps du pauvre garçon pour aller le présenter à l’évêque et lui demander de l’enterrer sur la demande de Gauthier. Geneviève s’en retourna pour savoir ce qui était advenu de la sœur supérieure. En rentrant, elle trouva le couvent sans dessus-dessous. Depuis que sœur Marie ( c’était le nom de la sœur supérieure ) n’était plus là, et qu’il y avait eu ce meurtre atroce, tout allait de travers.

Pour fuir la discorde qui s’était installée au couvent, Geneviève alla prendre l’air. Ses pas la conduisirent aux pieds des remparts, sur les lieux de l’assassinat. Elle inspecta alors l’endroit où le corps gisait quelques minutes plutôt. Il y avait bien quelques traces de sang mais rien d’autre. Soudain, son regard fût attiré par une traînée blanchâtre qui était à moitié enfouie dans la terre comme si quelqu’un s’était empressé de la faire disparaître. En fait, ce n’était qu’un cordon blanc, de sœur sans doute, que quelqu’un avait perdu par mégarde. Mais, il était étrangement ressemblant au sien ! Elle le ramassa et elle le mit sous son aube. Elle remarqua aussi qu’il y avait beaucoup de traces de pas mais elle ne sans soucia guère. Il faisait presque nuit et elle s’aperçut qu’elle avait manqué les nones et les vêpres et qu’elle n’avait pas mangé de la journée. Elle repartit. Mais au détour d’une rue, elle se cacha à temps pour surprendre une étrange conversation. Les voix disaient :
« -Je vous ai déjà dit qu’il n’y aura pas d’autres morts si vous faites ce que je vous dis.
- Mais…
- Il n’y a pas de « mais » qui tienne. Et prévenez les gitans. Je ne veux pas que l’on me soupçonne, vous comprenez… »
Sur ce, les voix se turent et commencèrent à s’éloigner. Mais à ce moment, Geneviève éternua car la nuit était froide et brumeuse, et les deux inconnus se retournèrent brusquement. Ils se précipitèrent à l’endroit où elle se trouvait et la plaquèrent contre le mur. L’un d’eux murmura :
« Il ne faut pas de témoin, il faut la tuer car je suis sûr qu’elle a entendu notre conversation. »
Geneviève ne distinguait pas les visages car ils étaient encapuchonnés. Mais l’une des voix répliqua :
« Non, celle-ci, épargnons-la. (Plus bas, à l’oreille de son voisin) De toute façon, elle ne sait pas de quoi on parle. »
A ces mots, ils la lâchèrent et repartirent en sens inverse. Geneviève courut à perdre haleine au couvent et se coucha s’en se rendre aux complies.

Le lendemain, elle se réveilla en repensant à la conversation qu’elle avait entendu la nuit précédente. Mais elle fût toute joyeuse en apprenant que sœur Marie était rentrée. Elle décida d’aller voir Gauthier et de lui parler. Elle se rendit aux primes en pensant qu’elle n’aurait pas beaucoup de temps pour l’interroger. Elle prévint la sœur supérieure qu’elle ne serait sûrement pas là pour ses prières mais sœur Marie lui répondit froidement que sa présence était nécessaire et qu’elle n’avait pas à se mêler de cette histoire de meurtre.
« Tout ce que tu as à faire, c’est de prier pour ce pauvre garçon », dit-elle d’une voix trouble qui semblait cacher quelque chose.

Mais Geneviève ne l’écouta pas et elle partit pour aller questionner Gauthier. A chaque coin de rue, elle tremblait de crainte de se retrouver en face des deux personnes qui l’avait assaillie la nuit précédente. Pourtant, elle arriva sans encombre chez Gauthier. Elle frappa à la porte mais personne ne répondit. Elle décida alors d’entrer sans faire de bruit. Elle le trouva, assis sur un tabouret en train de se parler seul.
« Que vous arrive-t-il ? demanda-t-elle , pouvez-vous me raconter comment votre fils est arrivé chez vous car on m’a dit que vous aviez adopté Clément.
- Oui, c’est vrai, je l’ai adopté mais, je l’avais trouvé dans la Moselle. Quelqu’un l’y avait jeté.
- Ah bon ! A qui était-il ?
- Je ne sais pas. Je l’ai juste trouvé dans la Moselle, répéta-t-il.
- Et qu’allez-vous faire maintenant ? Questionna-t-elle encore.
- Je ne sais pas.
- Bon, je vais vous laisser », dit-elle.

Elle repartit en courant mais soudain, une vieille femme l’interpella. Elle la fit entrer dans une maison délabrée et lui dit :
« Pas de chance pour vous : c’est un de mes amis que vous avez rencontré, hier soir. Heureusement, vous ne le connaissez pas car, vous auriez été horrifiée. C’est lui qui a assassiné le fils illégitime de l’évêque.
- Comment sais-tu que l’évêque avait un fils ? Et qui l’a assassiné ?
- C’est moi qui ai aidé sa femme à accoucher. En ce qui concerne le meurtrier, c’est un des gitans qui s’était installé sous les remparts et qui a agi sous les ordres d’une femme d’église que vous connaissez bien. Mais l’évêque avait d’abord voulu noyer son enfant pour qu’on ne sache pas qu’il avait eu un fils, expliqua la vieille.
- Mais alors, qui est cette personne ? Et comment le savez vous ?
- J’ai observé la scène de la fenêtre de ma chambre. J’ai d’abord vu un homme se faufiler dans un tunnel bien caché par des pierres et rejoindre une femme qui portait une aube. Heureusement que j’ai de bons yeux car sinon, je n’aurais rien pu voir. La femme parlait vite mais j’ai très bien reconnu sa voix. Un jeune garçon est ensuite arrivé. J’ai entendu un cri puis un bruit de lutte. Enfin, plus rien. Le combat s’est déroulé au coin des remparts. J’ai même vu un homme jeter du foin par-dessus les remparts sans remarquer qu’un combat se déroulait sous ses yeux. Mais il faut dire que la nuit était très noire et que les remparts jetaient une ombre effrayante. C’est pour ça que je ne suis pas intervenue. De toute façon, je suis trop faible. La personne qui a assassiné Clément est un gitan mais celle qui a ordonner ce crime est… non, je ne peux pas vous le dire.
- S’il vous plaît, j’ai besoin de savoir.
- D’accord. C’est…sœur Marie.
- Sœur Marie ?!!! Dit Geneviève interloquée.
- Eh oui ! Elle était trop jalouse, car elle aimait l’évêque et ne pouvait supporter l’idée de le perdre. Il avait épousé en cachette une autre jeune femme, très belle d’ailleurs, qui se prénommait Agnès. Folle de jalousie, Marie avait assassiné Agnès. Puis, elle s’était enfermée dans un couvent. Elle était tellement en colère ! »
Soudain, elle sembla se rappeler qu’elle ne devait pas parler et elle se mit à pleurer en se lamentant.
« Ne vous inquiétez pas, je vous protègerai. Personne ne vous fera du mal. Je vous le promets. »
Geneviève s’en retourna au couvent.

Le lendemain, elle fut très distante avec sœur Marie. Elle apprit que l’évêque avait refusé d’enterrer Clément (ce qui ne se faisait pas) et qu’il avait demandé à un moine de le faire. Cela n’étonna pas Geneviève qui savait toute la vérité. Mais elle apprit aussi que la vieille femme à qui elle avait parlé était morte. Cela chagrina beaucoup Geneviève. Elle décida que la comédie n’avait que trop duré et elle décida d’aller voir la maréchaussée pour dénoncer sœur Marie et les gitans. Mais elle voulait d’abord voir ces derniers pour leur parler.

Elle se rendit hors de la ville et se rendit au pied des remparts où ils s’étaient installés. Malheureusement, il n’y avait plus personne. On l’informa qu’ils étaient partis à l’aube. Elle se rendit à la maison du Maréchal pour parler au Capitaine. Il était parti et on lui dit de repasser plus tard. Elle prit alors la décision de voir l’évêque qui logeait au palais épiscopal pendant le temps de sa visite. Il était magnifique. Il était situé à côté de la cathédrale. Elle prit l’entrée principale qui permettait d’accéder à la cour intérieure. Elle était de forme rectangulaire et des valets circulaient dans les rangées pour soigner les plantes de l’évêque. Certains s’occupaient de roses et d’autres de fleurs plus éblouissantes les unes que les autres. Elle fut émerveillée par tant de richesses. En levant les yeux, elle aperçut le logis principal qui se dressait au fond de la cour d’honneur. Tout était majestueux. Intimidée, elle s’avança et elle frappa à l’aide du heurtoir. On lui ouvrit et on l’a fit attendre un moment. Un chanoine la conduisit dans une salle somptueuse où était assis un clerc. C’était l’évêque car elle avait remarqué qu’il portait l’anneau et la croix caractéristique de sa charge épicospale.
« Bonjour Monseigneur. Dit-elle en s’inclinant.
- Bonjour mon enfant. Que puis-je pour vous ?
- Je voulais vous parler d’une affaire qui me préoccupe au plus haut point.
- Parle sans crainte.
- Eh bien voilà ! Je viens d’apprendre que vous avez refusé d’enterrer un jeune garçon qui venait d’être assassiné. Pourquoi ? questionna-t-elle.
- Cela ne te regarde pas, dit l’évêque d’un ton sans réplique.
- Mais, c’était un ami !!! s’exclama-t-elle.
- Vous pouvez quitter ma maison sur l’heure », dit-il froidement.

Il se leva et intima l’ordre à un chanoine de reconduire Geneviève à l’entrée principale. Pendant qu’il la raccompagnait, elle lui posa quelques questions.
« Savez-vous si l’évêque à aimé une femme ?
- Je ne peux pas vous le dire, répondit-il.
- Mais c’est une question de vie ou de mort !
- Je veux bien vous dire quelque chose mais rien de plus, dit-il d’un ton hésitant.
Puis, il reprit :
- L’évêque aimait une femme passionnément. Elle s’appelait Agnès. Elle eut un enfant qu’elle nomma Jean. Mais personne ne doit le savoir, ajouta-t-il rapidement. Mais il n’y a pas si longtemps, alors que je passais devant une porte, j’ai vu et entendu une sœur qui était avec l’évêque.
- Et que disait l’évêque ? demanda Geneviève impatiente.
- Il l’a félicitée car, elle venait…de faire assassiner un jeune garçon. C’était son propre fils. Il lui a dit qu’elle avait bien fait de demander aux gitans de le faire à sa place. »

Ils arrivèrent devant la porte et elle prit congé du chanoine en le remerciant. Elle courut ensuite jusqu’à la maréchaussée. Cette fois-ci, le Maréchal était là. Elle lui raconta toute l’affaire. Malheureusement, il lui expliqua qu’il ne pouvait arrêter l’évêque. Il la renvoya au couvent avec une escorte d’hommes en armes qui avait pour mission d’arrêter sœur Marie car elle avait commis un délit suffisant pour se retrouver en prison. Les sœurs furent effrayées en voyant surgir les soldats. Mais Geneviève les rassura et leur expliqua le motif de leur venue. Les hommes d’armes partirent ensuite à la recherche des gitans. Ils emmenèrent leur prisonnière qui se débattait vivement. Puis, tranquillement, l’esprit libéré, Geneviève alla s’allonger sur son lit et s’endormit profondément.

Quelques mois plus tard, elle reçut une lettre du Maréchal qui l’informait de ce qu’il était advenu de Marie. Elle venait d’être jugée puis brûlée comme sorcière car on l’avait soupçonné d’avoir envoûté l’évêque pour le convaincre de tuer son fils. Les gitans avaient été arrêtés à leur tour et devaient passer devant la justice. Geneviève avait aussi écrit au Pape pour savoir si l’évêque pouvait être jugé mais elle n’avait pas reçu de réponse. L’issu de l’enquête avait eu de bonnes conséquences pour Geneviève car elle avait signalé par son témoignage la ressemblance de Clément avec l’évêque. Elle appris aussi que l’homme en noir avec qui elle avait conversé était le gitan qui avait tué le jeune homme.

Elle fut bien heureuse de retrouver sa vie tranquille au couvent, à soigner les malades et à prier. Comme sœur Marie n’était plus là, elle devint la responsable du couvent. Elle était ravie.

La cathédrale à la fin des travaux.